Essai presenté dans la REVUE DE L’IEP, Paris
Décembre 1995
COMMENT RENVERSER LES MECANISMES SOCIOLOGIQUES DU CONFLIT VERS DES MECANISMES
DE PAIX?
INTRODUCTION:
Il y a une centaine d’années, l’écrivain
anglais H.G.Wells soulignait: « l’histoire humaine
devient de plus en plus une course entre l’éducation
et la catastrophe ».(La guerre des mondes) Ceux d’entre
nous qui sont profondément concernés par cette course,
avons la conscience qu’il faut faire plus que survivre au
désastre et à la misère causés par
les guerres. Cent ans plus tard, l’état des conflits
dans le monde ne s’est amélioré guère.
D'où donc l'émergence de ces nombreux conflits d’aujourd’hui?
La guerre froide achevée, le monde doit à présent
parer d'urgence à d'autres menaces pesant sur sa sécurité:
la croissance démographique incontrôlée, la
pollution et la dégradation de l'environnent, la pauvreté
et la violence engendrant des migrations massives, l'exclusion
sociale, la radicalisation, l'extrémisme et la guerre.
L'actuelle multiplication des conflits n'est pas la conséquence
de la liberté retrouvée dans les autocraties d'hier,
mais plutôt le résultat de longues années
d'oppression, de silence et de fermentation de la haine étouffée
par le règne de la méfiance et de la peur. La paix
ne pourra être rétablie que par la compréhension
de cet étouffement du conflit et par sa detournoure vers
une ouverture nécessaire. Le contexte de guerre permet
de souligner l'importance de ce thème de réflexion:
l'état de guerre constitue "un phénomène
extrême pour toute société, un stade ultime
de la violence "institutionnalisée". Elle engendre
des mouvements de psychologie collective spécifiques, mais
elle interpelle aussi de manière individuelle chaque citoyen
qui a conscience de sa force sociale et politique et de son éventuel
pouvoir sur les événements (l'opinion publique).
Pour celui ci, l'exacte compréhension des moyens et des
enjeux du conflit - en temps que "stade ultime de la violence"-
est essentielle et le rôle de l'éducation et des
médias, sensés lui permettre cette compréhension,
est primordial. Ce projet se propose à étudier les
mécanismes sociologiques du conflit, afin d’apprendre
à les maîtriser, pour ainsi prévenir des manifestations
violentes et destructives, ou si l'on veut être plus audacieux,
apprendre à utiliser la sociologie du conflit pour identifier
les mécanismes nécessaires afin de retisser une
culture de paix.
1. PROBLEMATIQUE: La paix peut avoir des nombreuses significations:
est-ce l’absence de guerre, est-ce le processus de réconciliation
qui fait suite à un conflit armé, ou est- ce un
contexte social où la guerre est peu susceptible à
éclater?
Une culture de paix peut être définie comme l’absence
de conflit, mais cette définition sera trop passive et
ne peut pas être consistante avec un monde de diversités
culturelles. Dans un monde de diversité, le conflit continue
à être une partie intégrante de la vie. Au
lieu de le craindre, il faut chercher à comprendre ses
mécanismes, pour ainsi apprendre à cultiver ses
aspects positifs et non-violents. "Les conflits sont inévitables
et nécessaires et peuvent même présenter des
avantages, en donnant lieu à certaines innovations et activités,
à une affirmation des identités et à une
réflexion. Ces avantages dépendront toutefois, de
notre aptitude à gérer les conflits, à les
résoudre équitablement et à prévenir
leurs manifestations violentes et destructrices". (UNESCO,
140-ème session du Conseil exécutif). Dans une "culture
de guerre", chacun se crispe dans l’attente du pire.
Les différences entre individus et entre communautés
ne sont plus l’expression du riche pluralisme qui nous a
légué l’histoire, mais deviennent des prétextes
à la mobilisation des extrémismes. Cette étude
se propose d'aborder quelques situations conflictuelles qui ont
débouché sur la violence pour ensuite encourager
l’analyse des alternatives non-violentes. D' après
E. Durkheim (L' Education Morale) « Une société
où les échanges se feraient pacifiquement, sans
conflit d’aucune sorte, mais qui n’aurait rien de
plus, ne jouirait encore que d’une assez médiocre
moralité. Il faut, en plus qu’elle ait devant elle
un idéal auquel elle tende. Il faut qu’elle ait quelque
chose à faire, un peu de bien à réaliser,
une contribution originale à apporter au patrimoine moral
de l’humanité. L'oisiveté est mauvaise conseillère
pour les collectivités, comme pour les individus. Quand
l'activité individuelle ne sait pas où se prendre,
elle se tourne contre elle- même. Quand les forces morales
d’une société restent inemployées,
quand elles ne s’engagent pas dans quelques oeuvre à
accomplir, elles deviennent de leur sens moral et s’emploient
d’une manière morbide et nocive. » Sa réflexion
servira comme interrogation et moteur pour ce travail de recherche.
Le conflit? Un état naturel de l'humanité? Les mythes
pseudo scientifiques, soutenant que la violence est inhérente
à la nature humaine ont mené certains chercheurs
à penser que la guerre est l’état naturel
de l’humanité, donc qu’elle serait inévitable.
Cependant, d’autres chercheurs, parmi lesquels un groupe
de sociologues et de scientifiques de l’Université
de Sociologie de Madrid et de Séville ont répondu
que "la biologie ne condamne pas l’humanité
à la guerre" et que "l’humanité
pourrait être libérée de ces mythes de pessimisme
biologique" [...] "la même espèce qui a
inventé la guerre est capable d’inventer la paix".
(Rafael Lopez Pintor-Professeur de Sociologie, Madrid). La Déclaration
de Séville sur la violence, la première du genre,
qui a été élaborée par plusieurs éminents
scientifiques et confirmée plus tard par des généticiens,
confirme que l’homme n’a pas dans ses gènes
de programme inné le prédisposant à l'agressivité
ou à la violence, sauf dans les cas relevant de la psychopathologie.
Même dans ces derniers cas, il est aujourd’hui possible,
du moins en théorie, de manipuler les neuromédiateurs
qui agissent sur différents récepteurs au niveau
du cerveau, pour accroître ou diminuer le comportement agressif.
C’est la bioéthique qui doit décider maintenant
s’il faut intervenir ou non, et si oui, dans quelles circonstances.
Les sentiments tels que la haine, les préjuges et l’intolérance
sont clairement des réflexes acquis, qui peuvent conduire
l’homme à agir pour se protéger, exercer de
représailles ou avoir un comportement violent à
l'égard d’autrui. Les résultats de ces travaux
de recherche ont mené à cinq propositions principales.
Il serait donc "scientifiquement incorrect" de dire
que:
1. l'homme a hérité de ses
ancêtres animaux la tendance à faire la guerre.
2. la guerre et d'autres formes de comportements violents sont
programmées génétiquement dans notre nature.
3. pendant l’évolution humaine il y a eu une sélection
favorisant les comportements agressifs, plutôt que d'autres
types de comportement.
4. l'être humain à « un cerveau violent ».
La façon dont il agit est contournée de la façon
dont il a été éduqué et dont il a
été « intégré » dans la
société. Il n’y a rien dans notre neuropsychologie
qui nous mène à réagir violemment.
5. la guerre est causée par l’instinct ou par toute
motivation. Aussi, pour répondre aux mythes de l’inégalité
et de la supériorité de la race, les mêmes
chercheurs ont souligné que le concept de "race"
reflète une image sociale assimilée à l’apparence
physique des individus et non pas à celle des faits scientifiques
basés sur des données spécifiquement biologiques.
Y a t’il des méthodes pour éliminer le comportement
agressif de l’homme?
Dans un dialogue entre Einstein et Freud suscité en 1932
(l’Institut international de coopération intellectuelle)
Freud a essayé d’identifier les motifs qui poussent
les êtres humains à commettre des actes de guerre
et de violence. Selon lui, l’individu trouve un certain
plaisir dans les actes agressifs et destructeurs. Nombre d’exemples
de cruauté au cours de l’histoire ou d’incidents
de la vie quotidienne confirment l‘existence et la force
de tels motifs, qui sont souvent sous-jacents à d’autres
motivations: sexuelles, idéalistes ou religieuses. Par
conséquent, nous devrions nous employer, selon lui, non
pas à éliminer totalement l’instinct agressif
chez l’homme, mais à le détourner vers d’autres
expressions que la guerre. La volonté de mettre fin à
la souffrance et les privations dans la société,
la lutte pour la justice, la quête de la vérité,
le désir d’élever l’être humain
à des niveaux supérieurs de perfection pourraient
être le genre de motivations à encourager. La science
du comportement a encore affirmé depuis cette approche
et contribué à canaliser cet instinct en proposant
de nombreux modèles modernes de réussite dans la
vie. Deux traits essentiels de la modernité sont donc le
renforcement de l’intellect sur le physique qui a commencé
à dominer notre vie d’impulsions et l’intériorisation
des pulsions agressives. Il n’y a aucun doute que l'éducation
a un grand rôle à jouer, à côté
de la famille, pour canaliser l’instinct agressif vers des
modes civilisées d’expression, notamment la quête
des valeurs humaines plus élevées.
II. OBJECTIFS: Ce projet se propose deux objectifs: D'une part,
analyser les facteurs qui permettent à expliquer les mécanismes
d'évolution du conflit pour essayer concevoir à
l'aide des outils de la communication et de l’éducation
des méthodologies pour anéantir ou même prévenir
ces conflits. En effet, on va regarder comment d'une part les
médias et d’autre part l’apprentissage global,
les curricula éducationnels nationaux influence-t-ils une
sociologie de conflit ou respectivement de paix. D'autre part,
on va tracer un bilan provisoire, en étudiant les stratégies
adoptées par les divers acteurs et en insistant sur les
effets que ces stratégies ont pour les sociétés
en conflit, afin d’identifier les mécanismes nécessaires
pour retisser une culture de paix.A: Le conflit en relation directe
avec l’actualité: Les médias: Information,
Communication.
a) Les limites de l'information: Le pouvoir d’informer
a une dimension primordiale. L’article XI de la Déclaration
des Droits de l’Homme et du Citoyen souligne que "la
libre communication des pensées et des opinions est l’un
des droits les plus précieux de l’homme; tout citoyen
peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à
répondre de l’abus de cette liberté dans les
cas déterminés par la loi ".
Ceci peut évidement être évoqué en
cas de conflit, mais si l'on regarde le communiqué publié
par Matignon en août 1990 qui affirme: "Le devoir d'informer
n'a pas d'autres limites que celles que fixent les journalistes
eux-mêmes", on peut rester perplexe, sans nier le droit
d'un Etat à se protéger en temps de guerre et à
veiller sur les limites de sa propre information, devenant elle-même
une arme de guerre utilisable par "l'ennemi", souligner
la vigilance accrue qu'exerce sur les médias les gouvernements
et leur état-major, qui ont toujours tendance à
vouloir limiter la liberté d'expression au nom d'une censure
parfois illégitimement utilisée. Le droit d'informer
à donc d'autres limites que celles fixées par les
journalistes eux-mêmes. Malgré tout, il demeure intéressant
de s’interroger sur la manière dont ces derniers
fixent, par leur travail, les limites de l’information qu’ils
proposent. L’ information prétend se poser en tant
que "contre-pouvoir". Pour cela, les médias doivent
être clairement dissociés des pouvoirs économiques
et politiques et exercer constamment dans leur travail la dénonciation
des abus, mais aussi des inaptitudes du système sociopolitique.
D'après Marc Ferro, « En France, on assiste à
une lente dérive, où petit à petit le contre-pouvoir
se veut déjà pouvoir; en se plaçant au dessus
du politique, alors qu’aux Etats-Unis, depuis longtemps,
les médias et l’information constituent un pouvoir,
mais un pouvoir bien délimité: « Quand le
Washington Post a fait tomber Nixon, le Washington Post n’a
pas pris le pouvoir ». Si l’on revient aux situations
de conflit, notamment l’exemple de l’ex Yougoslavie,
d’après plusieurs chercheurs, cette crise a été
manipulée fréquemment par la presse, surtout américaine.
Dés le début de la crise, les médias américains
ont analysé cette guerre comme celle de Serbes perçus
comme les seuls responsables des événements dans
les Balkans. Avant que la Serbie soit sanctionnée par la
communauté internationale, en août 1992, de nombreux
articles ont été publiés dans la presse américaine,
sur les massacres de Serbes en Bosnie. On citera ici le "Breadline
Massacre" (le massacre de la queue de Sarajevo) publié
par le premier journal new yorkais, "New York Times".
L’information présentait des dizaines des musulmans
tués par une explosion serbe, alors qu’ils attendaient
massés devant une boulangerie à Sarajevo. La zone
où se trouvait cette boulangerie était sous contrôle
strict de troupes bosniaques et une équipe d'investigation
de la FORPRONUC a pu enquêter le cas. On a déterminé
avec certitude que la bombe avait été placée
en face de la boulangerie par les forces bosniaques pour retourner
l'opinion publique internationale contre les forces serbes. Le
journal londonien "The Independent" a publié
un article deux semaines plus tard, décrivant les résultats
de l’enquête menée par la FORPRONUC et les
implications de cette manipulation qui portait sur "une dizaine
d'autres événements pareils, mais à une échelle
moins importante". Par la suite, une chaîne de télévision
américaine de Washington DC a diffusé un reportage
complet trois mois après ces événements,
en démasquant la manipulation de l’information. Des
sanctions économiques ont été imposées
à la Serbie, en août 1992, et d’après
Frédéric Echkard, le porte-parole du Secretaire-Géneral
de l'ONU pour le département de la presse et de relations
publiques- les médias ont eu un impact essentiel sur les
négociations ultérieures, dénonçant
les sanglants manipulations bosniaques.
Paul Lewis, le directeur du journal New York Times auprès
de l'ONU, qui a couvert la crise yougoslave à plusieurs
reprises, confirme l'origine de cette bombe placée par
les bosniaques et précise: "C'est très difficile
de couvrir ce conflit... L'alternative la plus sure est de rester
à Sarajevo, pour se protéger des rafales et d'essayer
de recevoir l'information de l'ONU et du gouvernement bosniaques
(...) La couverture par les journalistes européens risque
d’être plus efficace, parce que les français,
comme les britanniques et les canadiens ont des troupes sur place,
ce qui facilite l'accès aux zones plus difficilement abordables,
quand on n'est pas accompagné par des troupes militaires".
Ces propos soulignent la difficulté pour les journalistes
à être effectivement présents sur les lieux
mêmes où ne se déroulent les faits qu’ils
rapportent, donc d’en affirmer eux-mêmes la véracité
alors qu'ils ne sont pas témoins directs, mais dépendants
"d'informateurs institutionnels". En ce qui concerne
la couverture médiatique par les médias, ceux ci
sont que des petits exemples, pour démontrer la couverture
américaine répétitive de la crise yougoslave
en reprenant des clichés de "pensée" uni
présents, comme le concept de "ethnic cleansing"-
lavage ethnique, inauguré par le président Bush,
lors d’une conférence en 1991 et utilisé pour
décrire constamment un agresseur serbe, comme s’il
y avait des crises à "attaquant" unique. Même
s'il y a des évidences claires que le "ethnic cleansing"
est un "outil" utilisé par toutes les factions,
la presse américaine n'a décrit les atrocités
des autres parties du conflit pendant plus de trois ans. Et comme
le porte-parole du Secrétaire Général de
l’ONU l’indique, la couverture des médias a
eu un vrai impact sur le procès de négociations...
b) Médias et fossé culturel: Dans cette partie
on va choisir d’illustrer la dite "mission d’intérêt
public" remplie par l’information lorsqu' elle couvre
les conflits armés, à l’image de la guerre
du Golfe, au pouvoir de l'opinion publique internationale: au
sein de la communauté internationale, qui a les moyens
de réaliser et de distribuer l’information. Au sein
de cette même communauté, un assemblage d'espaces
régionaux distincts; qui s'exprime t'ils de manière
universelle? Répondre à ces questions revient à
poser "les médias" en tant que moyens d'expression
d'un modèle culturel occidental dominant. "L’information,
même bien construite, même explicative de l’événement,
n’a pas la même signification quand elle est reçue
dans des espaces culturelles différents. C’est sans
doute cela la plus grande rupture et le problème grave
pour l’avenir. L’information n’intéresse
pas tout le monde de la même manière d’un bout
à l’autre de la planète. Il n’y a pas
d’information mondiale car il n’y a pas de citoyen
universel..... Une même information n’a pas de signification
universelle. Selon les contextes, ou selon les espaces culturels,
elle est interprétée différemment.".
Cette réflexion de Dominique Wolton nous servira de moteur
pour analyser le cadre et les outils par lesquelles le monde contemporain
en conflit est affecté dans la lumière des médias,
qui sont "devenus, pour des raisons très profondes,
un pouvoir sans aucun contrôle, ni contrepoids". (Marcel
Gauchet) ou, même plus que ça, l’une des puissances
primordiales du nouveau monde contemporain; pour reprendre l’idée
du président américain Bill Clinton: "Le nouvel
ordre mondial devient un ne bouleux amalgame d’entités
multinationales et pouvoirs régionaux émergeants
très rapidement, à cause de, premièrement,
les nouveaux médias et technologies de communication".
Comment est ce qu’on intègre donc la communication
entre l’impérialisme occidental et ces "pouvoirs"
régionaux: le monde occidental, "signataire"
des "conventions crises" et le "monde en crise"?
Comment est ce qu’on communique à tout citoyen concerné
les enjeux et l’analyse de ces crises, au milieu de ce "village
global" de la communication? Quel est donc le rôle
de l’information? Pour une approche mondiale du phénomène
de l’information, il est nécessaire d'être
conscient que l'espace mondial est constitué de différents
espacés régionaux. Pour cette "addition"
d'espaces régionaux qui constituent le monde, les critères
de différenciation peuvent être: le monde occidental
face à la sphère de l'Europe Centrale et de l'Est,
le monde asiatique arabo-musulman, l'espace européen et
l'espace nord américain, etc. Il y a donc des espaces distincts,
selon des critères idéologiques ou culturelles.
Face à cela, il existe une information perçue comme
mondiale, parce qu sa très haute technicité lui
permet une répartition universelle, qui par conséquence
couvre tous les espaces sous mentionnés.
Ces moyens technologiques sont notamment les satellites offrant
la simultanéité d'une même information sur
l'ensemble des points du globe au même moment, ainsi que
les supports audiovisuels qui dominent la sphère de l'information
moderne. Or, comme le souligne Dominique Wolton, la nature de
l'information n'est pas distincte du modèle de la pensée
d'une société qui la produit. Chaque type d'information
véhicule donc son propre modèle de référence
(politique, sociale). Parallèlement, la production de cette
information universelle est le fait des sociétés
dont les capacités techniques permettent cette production
et sa transmission mondiale. Or, ces sociétés sont
occidentales et véhiculent donc un modèle de pensée
strictement occidental. A l'inverse, l'ensemble des espaces régionaux
sous évoqués disposent d'une grille de lecture «
spécifiquement régionale » (culturelle ou
idéologique) qui n'est pas en accord avec ce model de référence
occidental.
Ce hiatus s'avère particulièrement important dans
les situations de crise, où le sens donné à
la crise sera celui du monde occidental et sera aussi reçu
par les autres espaces régionaux, alors même que
leur perception spécifique de la crise ne donne pas le
même sens à cette crise. Il se pose ainsi un double
problème: d’une part, la réalité universelle
de l'information n'est que l'universalité de sa transmission,
alors même que le sens universel proposé n'est que
le sens "crée" par une conception occidentale;
d'autre part, l'expression d'autres sens, que sont les points
de vues régionaux de cette même crise n'ont pas les
mêmes moyens technologiques d'expression et de distribution
dans et lors de leurs propre contexte régional. Il s'ensuit
donc un écrasement des divers "sens" régionaux
au profit d'un seul "sens régional" aussi, qui
est le sens occidental, alors même qu'une démarche
démocratique de confrontation des points de vue nécessiterait
une égalité de ces points de vue.
Ainsi, l'impérialisme "technologique" de l'Occident
est assimilé à un impérialisme idéologique
et invite les populations non occidentales à accentuer
la conscience de leur singularisation. Dans le même temps,
les sociétés occidentales ne disposant que d’un
mode dominant de perception resteront enfermé dans ses
propres limites de pensée.
"Il y a donc, effectivement dans le développement
d'un mode d'information de ce type, un accroissement des déséquilibres
et des rancoeurs et même d’éloignement des
points de vue" (D. Wolton) au point qu'elles deviennent ainsi
l'inverse de sa vocation universelle de rapprochement de points
de vue pour arriver à une accentuation de leurs opposition.
C'est en cela qu'il y a donc rupture dans la vocation universelle
de l'information et problème grave pour l'avenir, car "il
n' y a pas de citoyen universel" et donc il n' y a pas une
signification universelle.c) La communication comme facteur d’intégration
sociale: Restituer les médias au sein de leur propre société,
en analysant les limites de leur "rôle informatif",
permet de mentionner un constat sévère quant au
dévoilement de l'information "telle qu'on l’entend
de manière communément admise: "un simple compte
rendu des événements".
L’information, on vient de le voir, peut-elle en conscience,
remplir un rôle d'acteur, être manipulée elle-même,
voire, être manipulatrice à son tour? Une analyse,
en "cercles concentriques" de plus en plus large, permet
d'énumérer les conséquences d'un tel dévoiement
par rapport à "sa mission originelle". "A
qui profite le crime,", ironise-t-on dans le constat d'une
information si mêlée dans les finalités économico
politiques de sociétés qui la portent, au point
qu'elle en constitue l'un des plus importants vecteurs d'intégration
sociale. Si ce constat, émanant des politologues, rassure
tout autant qu'il effraie, il est aussi le moyen d'offrir à
"l’opinion publique" une réelle réflexion
sur la qualité de son information et par là, d'inciter
fermement les médias à remplir effectivement un
"rôle" de "contre-pouvoir", rendu d'autant
plus nécessaire, à la lumière de ce constat.
d) Médias acteurs: Il existe donc un ensemble de recherches
portant sur la vocation universelle de l'information, avec le
constat d'une distribution effectivement mondiale, mais d'un "sens"
exclusivement occidental de cette information, constituant ainsi
l'expression d'un simple point de vue "régional"
parmi d'autres mais écrasant les autres, avec le sentiment
de subir "l'impérialisme occidental" de l'information,
au travers de la domination technologique produite par celui-ci.
Plus largement, ces recherches portent ensuite sur la réalité
de cet "impérialisme occidental" de l'information,
en tant que simple état de fait, résultant de la
domination technologique sus évoqué ou réelle,
volonté d'un système économique et politique
d'établir en fonction d’autres systèmes régionaux
une relation de dominant dominé à son profit- remplissant
alors un rôle de plus en plus éloigné du simple
"véhicule d'information neutre" que l'opinion
publique occidentale lui prête communément. Or, l'évolution
de ce rôle les conduisent-ils à être l'instrument
du réel impérialisme et plus loin le partenaire
complice et conscient de cette démarche, car ils sont déjà
le véhicule d'une information subjective, puisque par là
les médias deviennent un "acteur " identifiable,
aux cotés de ces événements. "L'engagement"
de cet acteur a déjà les répercutions notables
sus évoquées, d'exacerbation ou radicalisation des
identités régionales respectives, concernés
par les événements et il s’agit bien là
de l'illustration du passage des "medias-vehicule" aux
"medias acteurs". Le rôle des "medias acteurs",
partie prenante des événements cités par
l'information, est alors illustré par bien des conflits
depuis 1990, par exemple, où ils sont intervenus dans "la
média diplomatie" de la guerre du Golfe, terme crée
tout exprès pour souligner leur influence sur le déroulement
des opérations antérieures au conflit armé
lui-même. Cette influence constitue bien une " action
" orientée, qui bien que "vertueuse" et
réelle est distincte d'un stricte rôle de "compte-rendu
informationnel" des événements. Mais ces "médias
acteurs" passent au stade de "medias manipulés"
dans leur "action", lors des événements
de la ex Yougoslavie, où par exemple, le Général
Dovillon, militaire "médiatisé" n' hésitait
pas à répéter son "besoin des journalistes"
et d'une couverture médiatique d'importance susceptible
de mobiliser "l'opinion publique internationale", afin
que des mesures politiques conséquentes puissent être
adoptées concernant Sarajevo; On peut aussi citer François
Leotard, Ministre de la Défense, déclarant "C'est
vous Messieurs les journalistes qui sauverez Sarajevo, grâce
à vos excellentes émissions". Les médias,
en se prêtant à cette "démarche"
vertueuse", là encore acceptent de substituer à
leur rôle informatif un rôle publique de lobbying
en faveur de la paix, donc être acteur engagé dans
l'événement et "manipulé par l'une de
parties en présence, dans un but humanitaire, alors même
que la sphère politique seule, à savoir les dirigeants
et leurs citoyens, avaient à se positionner dans un rapport
de force tel qu'il engendre la "pression politique"
nécessaire à une réelle mobilisation internationale
en faveur de Sarajevo. Cette logique des médias, tolérée
par l'humanitaire inverse leur rôle de "porte-parole
de l'opinion publique" en un rôle de "manipulateur
volontaire" de celle-ci, au profit "bonnes causes"
(Golfe, Yougoslavie) qui créent néanmoins les précédents
nécessaires à d'autres interventions de même
nature, sur d'autre causes dont on se demande qui s'arrogera le
droit de décréter leur valeur intrinsèque.
Au niveau médiatique, soulignons seulement les propos de
Patrick Poivre d'Arvor "Ce qu'on a fait dans le journal T.V.
de TF1 contribue à faire bouffer des événements:
pour la Somalie, grâce à Kouchner, notre travail
a aboutit à l'opération " sac de riz"
et la famine est disparue", mais aussi Laurent Joffrin, rédacteur
à Libération: "Nos journalistes ont été
les instruments de la victoire du Capitalisme dans la gauche"
(sic) (cf: Serge Halimi) pour illustrer la précaution à
cette évolution des médias d'un rôle "d'acteur
manipulé" à un autre de "manipulateur
volontaire". Le comportement des médias est peu susceptible
être "inconscient" et le passage d'un rôle
de "manipulé volontaire" à un rôle
de "désinformateur volontaire" ne peut être
admis que si, outre le constat fait par Marc Ferro dans le cas
d’une démarche de facilité" professionnelle,
consistant à préférer systématiquement
les "vérités" déjà admises,
ce qui permet des "informations non informées",
car "il n'y a pas d'information sans point de vue de l’information".
On y ajoute le témoignage des journalistes eux-mêmes,
évoquant Serge Halimi, qui dénonce "un journalisme
de révérence", en évoquant les collusions
entre journalistes et pouvoirs politiques et économiques,
et l'analyse des politologues parmi lesquels Maurice Duverger,
signalant "la règle fondamentale des médias
(...) éviter les pouvoirs controversées et dangereuses
(...) et défendre les valeurs traditionnelles et le systèmes
établis (...), les système d'information aboutissant
à une "crétinisation" du public(...) pour
le détourner des vraies problèmes". Serge Halimi,
parlant du rôle supposé de "contre-pouvoir"
prêté aux médias, évoque "l'effronterie
de cette société de connivence" aux "idées
uniformes et déchiffreurs identiques" qui "se
fréquentent, s'apprécient, s'entreglossent".
On peut aussi citer Noam Chomsky, pour dénoncer "l'imbrication
constante entre les groupes industrielles et les médias"
et "la réalité des rapports inscentueux entre
médias et pouvoirs politiques: "Comment l'élite
contrôle t'elle les médias? (...) elle n’a
pas a les contrôler (...) ça lui appartient. Et "les
essayistes de la pensée unique" qui sont les "grands
journalistes au bourdonnement satisfait" autorisant "l'omniprésence
de quelques intellectuels en phase avec l'air du temps" aboutit
à une définition des journalistes, là pour
donner une image lisse du monde "avec une volonté
de conditionner les citoyens".
Pourtant, cette même volonté, qui, pour Maurice
Duverger pose "le public en victime"très peu
préparé á remplir ses devoirs de citoyen
(...) et objectivement, l’information dans les régimes
libéraux tend au résultat dénoncé
par les régimes communistes: faire oublier aux masses l’exploitation,
puis elles subissent, et stériliser leurs volonté
de révolte". Maurice Duverger signale que c’est
"un mécanisme, naissant d’un processus strictement
économique, qui tend au même résultat de conditionnement
des opinions publiques que dans les sociétés totalitaires".
L’analyse du dévoilement de l’information n’exige
en général, dans les pays développés
nul recours á la théorie du complot"(en usage
dans les sociétés totalitaires). ( Noam Chomsky)
Mais le résultat est bien identique et l’exemple
du groupe "Ruder-Finn", société internationale
à vocation de lobbying permet d’illustrer la manière
dont, les intérêts strictement politiques sont "gérés"
par des unités économiques, au même titre
que d’autres "biens de consommation", au sein
de la société occidentale. En 1991, juste á
l’issue de la crise yougoslave, le nouveau gouvernement
croate, ainsi que la diaspora croate aux Etats Unies, a engagé
la société de relations publiques "Ruder-Finn"
pour présenter à l’opinion publique internationale
(premièrement américaine) le point de vue croate
sur la crise en train de démarrer. Malgré l’opposition
de plusieurs pays européens, la communauté internationale
a fini par "signer" l'indépendance de la Croatie,
aux pressions de l’Allemagne et de l’Autriche, anciens
alliés et partenaires de la Croatie. Ceci fut un moment
longuement disputé par Lord Owen et les "négociateurs
de paix"européens qui, par une analyse socio-historique
avaient compris
l’immaturité d’une telle indépendance.
Initialement, la Croatie s’est fait connue à Washington
par les rapports publiés par les agents de "Ruder-Finn",
ce qui a donné une certaine nuance de compréhension
de la crise yougoslave. "Cette compréhension risque
de dénaturer les prises de décisions du gouvernement
américain vis-à-vis de la crise." (Alexandra
Banic).
L’illustration de ce lobbying politique, effectué
au travers des médias dans une finalité "informative"
réelle est très éloignée de la "vocation
objective" des médias á présenter les
divers aspects d’une crise avec "neutralité"
vis-à-vis de ses parties prenantes. Cela souligne bien
le "mécanisme strictement économique"
évoqué par Maurice Duverger, mais aboutissant au
"dévoilement de l ‘information (...) sans recours
à la théorie du conflit" (Noam Chomsky) et
qui renvoie dos à dos les médias des pays occidentaux
et ceux de pays totalitaires. En dehors de ces rôles d’interventions
« volontaires »dans les crises, les médias
ont prouvé avoir été aussi des acteurs aux
fonctions collectives positives lors de certains conflits. Si
l’on étudie le cas du renversement du gouvernement
totalitaire de Ceausescu en Roumanie, la radio, lors de cette
crise, a eu un rôle primordial pour rejoindre les masses
à la « révolution ». Dès que
la crise a débuté dans la ville de Timisoara, la
chaîne de Radio « Europe Libre » a transmis
toutes les 15 minutes le message alarmant de cette femme qui a
été presque exécutée dans le marché
central. Ce message très « viscéral »
a invité une grande partie de la population bucarestoise
à essayer joindre la ville de Timisoara. Les gares ont
été désormais fermées, ce qui a fait
que la population est descendue dans les rues de Bucarest même...
C’était le début des événements
de décembre, 1989...
Ce cas prouve le rôle des médias à emmener
les populations ensemble et à les rejoindre dans leur quête
à trouver des solutions aux respectifs conflits. Ne pourrait’on
créer plusieurs tels postes de radio pour inviter les populations
à la paix?
Si l’on se resitue dans la crise de la ex Yougoslavie,
quel effet aurait eu un tel poste de radio à Sarajevo,
pour expliquer à la population les étapes successives
du conflit?
Même si cette stratégie pourrait être considérée
comme de l’intoxication, ne serrait’elle une façon
possible de prévention de crises?B: L’intervention
de la Communauté Internationale: La démarche de
la communauté internationale, notamment celle des Nations
Unies a été premièrement la prévention.
Dans son Agenda pour la paix* (1992) comme dans son rapport Agenda
pour le développement (1994), le Secrétaire général
de l’Organisation des Nations Unies souligne le rôle
crucial des actions de prévention et des activités
à long terme dans la consolidation de la paix.
A l’heure actuelle, toutefois, la plus grosse part des
ressources et des efforts est investie dans des missions de maintien
de paix et humanitaires. Les problèmes urgents éclipsent
ceux qui sont les plus importants à long terme, et il ne
reste plus de temps pour corriger, avec clairvoyance l’actuelle
inefficacité des stratégies de développement
et on observe une impuissance à agir de façon cohérente
en matière de renforcement des capacités endogènes.
La solution réside dans la prévention. Or, souvent,
quand elle porte ses fruits, la prévention passe inaperçue.
La société ne réagit plus qu’aux ../images
les plus spectaculaires, les plus criantes, voire les plus pathétiques
qui s’affichent sur les écrans de télévision.
La prévention suppose que le regard se porte sur un horizon
autorisant une vision à long terme. Passer du maintien
de la paix à la consolidation de la paix exige une nouvelle
perception centrée, avec l’aide des médias,
sur l’avenir intangible. Cette perception doit être
défendue par les décideurs, les parlements et surtout
par l’ensemble de la société civile. Une telle
prise de conscience permettrait à une nouvelle vision de
s’affirmer peu à peu pour faire face avec imagination
aux menaces qui pèsent sur la sécurité du
monde.
Dans son rapport « Agenda pour la paix »*, le Secrétaire
général de l’Organisation des Nations Unies
distingue quatre domaines d’action: la diplomatie préventive,
action qui a pour objet d’éviter que des différends
ne surgissent entre les parties, d’empêcher qu’un
différend existant ne se transforme en conflit ouvert,
et si un conflit éclate, de faire en sorte qu’il
s’étende le moins possible; le rétablissement
de la paix, action qui vise à rapprocher des parties hostiles;
le maintien de la paix, action qui consiste à établir
une présence des Nations Unies sur le terrain, ce qui n’a
jusqu’à présent été fait qu’avec
l’assentiment de toutes les parties concernées et
s’est normalement traduit par un déploiement d’effectifs
militaires et/ou de police des Nations Unies ainsi, dans bien
des cas, que de personnel civil et la consolidation de la paix
après les conflits, action menée en vue de définir
et d’étayer les structures propres à raffermir
la paix, afin d'éviter une reprise des hostilités.
La position de l’Unesco: La quête de la paix a été
la motivation initiale de la création de l’Unesco,
à l’issue de la deuxième guerre mondiale.
L’acte constitutif indique que « Les guerres prenant
naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit
des hommes que doivent être élevées les défenses
de la paix. ». Depuis quelques années, la fin de
la guerre froide et la multiplication des violences liées
aux conflits ethniques et culturels ainsi que l’aggravation
des inégalités socio-économiques dans beaucoup
de régions du monde ont incité l’Unesco, de
même que d’autres institutions du système des
Nations Unies, à contribuer à la recherche de solutions
permettant de résorber d’urgence les situations pré
conflictuelles, conflictuelles et post conflictuelles. Le programme
d’action de l’Unesco pour une culture de paix, dont
la phase initiale couvre la période de 1994 à 1995,
vise apporter une contribution importante à la prévention
des conflits et à la consolidation de la paix après
leur achèvement dans le contexte de l’Agenda pour
la paix ». Par exemple, dans le passage où est décrite
la consolidation de la paix après les conflits, il est
fait mention du soutien des efforts de protection des droits de
l’homme, de la reforme ou « du renforcement des institutions
gouvernementales et de la promotion des processus, formels ou
informels, de participation politique »et « ainsi
que de la réduction des sentiments d’animosité
au moyen d’échanges d’étudiants et d’enseignants
ou de réformes des programmes scolaires ». (* Programme
d’action pour promouvoir une culture de paix, UNESCO, 9
Septembre, 1993) Ce programme devra élaborer sur une base
multidisciplinaire intégrée, des approches qui engloberont
tous les domaines de compétence de l’Unesco:
a). Concernant la prévention des conflits, « dans
chaque pays, des stratégies devraient être adoptées
en vue de mener des campagnes d’éducation populaire,
d’utiliser les médias au service de la paix et d’introduire,
dans les écoles, des programmes axés sur la paix
et la démocratie ».*
Outre son action en profondeur pour la prévention à
long terme des conflits, l’Unesco est aujourd’hui
appelée à intervenir d’urgence dans de nombreuses
situations pré conflictuelles. Dans le cadre du programme
visant à promouvoir une culture de paix, les activités
suivantes ont été prévues et effectués
partialement dans la période 1994-1995:« - mobilisation
des faiseurs d’opinion (intellectuels, artistes, éducateurs,
journalistes, spécialistes, etc.) au niveau des différents
parties prenantes à une situation de conflit croissant,
en sollicitant leurs avis et leur concours pour trouver une solution
à celui ci.- renforcement de la société civile
en favorisant des structures politiques consensuelles afin de
permettre la participation des minorités au processus politique.-
appui aux médias indépendants et utilisation des
médias en faveur de la paix et de la coopération
afin de calmer le jeu en contrebalançant les effets de
la propagande- action éducative et culturelle en faveur
des réfugiés, des populations nomades et autochtones
et des minorités.- contribution à l’élaboration
d’un système d’alerte rapide des Nations Unies
en matière de violence sociale, et notamment à l’établissement
d’indicateurs permettant de surveiller le respect des droits
culturels.- appui à des programmes de recherche sur des
situations pré conflictuelles afin de définir les
besoins fondamentaux des groupes vulnérables et marginalisés
ainsi que d’identifier les traditions de dialogue et les
expériences historiques de solution des conflits et études
prospectives susceptibles de fournir les fondements d’une
vision interculturelle convergente de l’avenir. »*
b). En situation de conflit ouvert, les missions de l’Unesco,
associée à l’ONU, peuvent englober «
la création de structures éducatives provisoires
afin d’assurer la continuité des services éducatifs
dispensés aux victimes de conflits, un soutien à
l’indépendance des médias, l’organisation
de réunions de faiseurs d’opinion afin de définir
des espaces de compréhension mutuelles susceptibles de
faciliter des accords de paix et des interventions visant à
protéger les biens culturels menacés par la guerre,
dans le cadre de la Convention de la Haie (1954) »*.c) La
consolidation de la paix après un conflit constitue une
tâche particulièrement difficile parce qu’il
faut contribuer à « rebâtir les infrastructures
sociales détruites par la guerre et à inciter des
populations marquées par leurs dissensions à se
réconcilier et concourir à créer des conditions
permettant le retour et la réinsertion des réfugiés
».* Cette tâche est particulièrement urgente
lors de la première phase de consolidation de la paix,
où les accords de paix risquent d’être violés
et où le pays court le danger de retomber dans la violence.
Dans cette optique, des programmes nationaux sont déjà
mis en oeuvre au Salvador et en Mozambique et d’autres sont
en cours d’élaboration au Burundi, Congo, Guatemala
et Nicaragua. Il convient de mentionner le programme d’
El Salvador, qui couvre plusieurs secteurs de l’éducation
nationale, ainsi que de l’appui aux radios qui offrent des
services d’information et d’éducation non formelle
aux femmes démunies victimes du conflit, aussi que des
services éducatifs et psychosociaux de remplacement à
l’intention des enfants victimes du conflit armé,
etc. (voire le programme relatif à El Salvador). Aussi,
plusieurs projets de communication ont été récemment
établis dans certains pays pour contribuer directement
à une culture de paix. Ainsi, au Rwanda, où la station
de radio « Mille Collines » qui avait transmis la
propagande de violence pendant le génocide de 1994 (500,
000 victimes), l’Unesco, en coopération avec «
Reporters sans Frontières »a aidé à
l’inauguration de la radio Gatashya, qui signifie littéralement
« la rafale qui emmène les bonnes nouvelles ».
La radio, qui émet depuis août 1994, aide les réfugiés
ruandais des pays voisins avec de l’information éducationnelle
et concernant la distribution des vivres, de l’eau et de
médicaments.d) Le programme de recherche postérieure
aux conflits: L’Unesco étant la seule organisation
du système des Nations Unies dont les fonctions englobent
la promotion de la recherche en sciences sociales, « s’engage
à financer à l’intention de pays engagés
dans une phase de consolidation de la paix après un conflit,
un programme de recherche portant sur les causes sociales, économiques,
politiques et culturelles du conflit et les moyens de remédier
à ces causes et à`leurs effets négatifs,
le processus des accords de paix et leur mise en oeuvre, afin
de cerner les aspects à renforcer et les obstacles à
surmonter, l’édification d’institutions démocratiques,
la mobilisation des divers secteurs de la société
en faveur du processus de paix, les problèmes de marginalisation
de certains groupes, les populations autochtones ou les nomades,
par exemple et la manière dont leurs besoins peuvent être
pris en compte et satisfaits dans le cadre de l’application
du processus de paix et la contribution spéciale que les
grandes traditions religieuses et éthiques de la planète
et de la force morale qu’elles représentent pourraient
apporter à la paix. »* Bien évidement, ces
actions seront toutes extrêmement utiles pour les systèmes
d’alerte rapide et pour la consolidation de la paix avant
que n’éclate un conflit. C: L'Education: l’apprentissage
global, l’histoire et l‘ historiographie : Dans cette
partie, on va analyser en particulier la façon dont on
peut organiser une culture de paix autour de l’éducation.
a) L’apprentissage global est une des lignes directrices
qui se manifestent à présent dans les discours pédagogiques
internationaux. Peut-il contribuer à une culture mondiale
de la paix? Une culture de la paix ne résulte pas d’une
proximité familière qui entre en ligne de compte
dans le concept du « village global ». Elle est plutôt
partie intégrante du débat mondial actuel sur «
l'hégémonie culturelle » (Gramsci), pour qui
Marx est toujours d’actualité et selon laquelle «
les pensées dominantes sont les pensées des dominants
».
Dans cette optique, on peut considérer quatre champs d’orientation,
concernés par la lutte en faveur de l'hégémonie
culturelle. Il est nécessaire de les citer rapidement étant
donné qu’on peut y reconnaître la base sur
laquelle est fondée « la globalité »
en tant que partie d’une culture de la paix. Ils apparaissent
ici sous forme de dichotomies, bien qu’en réalité
il s’agisse de rapports de tension dont l'équilibre
intérieur n’est jamais stable mais uniquement l’objet
de débats autour d’une hégémonie culturelle.-
« Le droit naturel du plus fort » vs. « Justice
pour tous » (les êtres humains et l’ensemble
des créatures).
- « Réduction » vs. « Complexité
»
- «Culturalisme » vs. « Universalisme »
- « Externalisme » vs »déontologie »
« La globalité » vise avant tout les points
d’orientation suivants: la justice pour tous, la complexité,
l’universalisme et la déontologie. Entre ces points
d’orientation, il existe un rapport réciproque. Ainsi,
« la justice pour tous » n’est pas possible
si en même temps on ne tient pas compte et si l’on
ne respecte pas « la complexité » (des systèmes
culturels) d'après la devise « Unité et diversité
» (Buhler, 1994) Parallèlement, il existe un rapport
de tension considérable parmi les dichotomies et entre
celles-ci même, qui augmentent aussi bien pour chaque individu
qu’entre les différentes sociétés.
On se plaint de plus en plus de la montée du fondamentalisme,
du tribalisme ou bien du chauvinisme régional dont la conséquence
serait une surenchère de violence. L’analyse qui
a été faite n’est pas assez approfondie, car
au terme du conflit est-ouest, par exemple, la paix qui aurait
dû en découler ne s’est pas installée,
étant donné que chacun porte en soi un potentiel
de fondamentalisme individuel. Sûrement, la « globalité
» en temps qu’objectif ne peut pas être uniquement
imposée par des pédagogues. Elle dépend de
la bonne volonté de tous ceux qui croient en la bonté
de l’homme quelle que soit sa culture. Et ils sont plus
nombreux que l’on ne pourrait le croire, car dans tous les
coins du monde apparaissent des mouvements en faveur de la paix,
de l'écologie, des droits de l’homme, etc. Hans Buhler
définît le concept de « globalité »
comme un principe didactique dans le triple sens du mot:
- Globalité en tant que « mode de connaissance globale
», concevant que la pensée déterministe et
isolée n’est qu’une partie de la pensée
collective - quand bien même importante.- Globalité
en tant que « mode d'apprentissage global » qui permet
de trouver un équilibre entre l’apprentissage cognitif-unilateral
et fortement accentué - et l’apprentissage émotionnel
et social. L’apprentissage « intégral »
ou l’apprentissage « holistique » est proche
du monde d’apprentissage global. Ce concept fondé
au niveau des théories de l’apprentissage, par exemple
pour l’apprentissage intégral renforce en outre encore
davantage la richesse interculturelle des divers modes d’apprentissage
global au niveau de différentes cultures. (On trouve des
indications chez Nyoyo, dans le contexte africain, 1992. En outre,
il renvoie a Krishnamutti, qui montre des parallèles aux
Indes). On se rend compte de ces différences, en comparant
les expériences primaires faites par les enfants européens
et celles des enfants africains qui exploitent très soigneusement
leur propre champ de mais. Outre l’endurance physique, ils
doivent faire preuve de savoir et d'expérience en matière
d'écologie et de biologie et savoir planifier leur travail.
Ils participent ainsi à l'alimentation de l’ensemble
de la famille, ce qui leur permet d’assumer leur responsabilité
sociale envers celle-ci. Inversement, ces expériences primaires
ne sont pas seulement l’acquisition de compétences
vues sous un angle romanesque, mais peuvent parfois être
des moyens impitoyables de survie. D’autre part, ces moyens
ne permettent qu’à peu d’enfants africains
d’élargir leur horizon dans le secteur secondaire
comme c’est le cas pour les enfants du même âge
du Nord privilégié.- Globalité entendue comme
« responsabilité globale » qui conçoit
le globe en tant que « Oikos », accessible équitablement
à tous les êtres humains, qui, en retour ont le devoir
de le manipuler avec un soin scrupuleux: « un développement
efficace » est sans doute actuellement le concept qui exprime
mieux ces aspirations. Le mode de connaissance globale, le mode
d’apprentissage global et la responsabilité globale
sont trois perspectives de globalité qui sont interdépendantes
et ne se justifient que par une explication méthodique.
Pour l’apprentissage global, elles sont constitutives à
part égale, ainsi doivent-elles toujours être perceptibles
pour tous ceux qui sont dans le processus d’apprentissage.
L’échange global est un thème de base de l’histoire
de l’humanité que ce soit au niveau économique,
scientifique ou culturel. Probablement, ni les pédagogues,
ni les théologiens ont contribué tant à la
compréhension parmi les différentes cultures que
les commerçants. Néanmoins, dans la lignée
de la tradition occidentale, la culture a toujours été
depuis Kant et Rousseau comprise comme culture universelle, donc
de toute l’humanité. Si l’on observe les grands
pédagogues de notre siècle, comme P. Freire, C.
Freinet, M. Ghandi ou J. Nyerere, on constate que ces dernières
s’adressaient à tous les hommes et à l’homme
entier. Le « concept d’apprentissage global »
se situe donc dans la tradition des lumières comme dans
celle de la pédagogie de libération.
Depuis la fin officielle du colonialisme, des systèmes
scolaires, sans précèdent dans l’histoire
de l’humanité, surtout dans l’Afrique au sud
du Sahara, se sont répandus dans le monde. Ainsi, sont
apparus des dispositifs d’organisation scolaire qui sont
une condition essentielle pour réaliser « l’apprentissage
global » car « l’apprentissage global est un
processus à long terme qui dépend de la stabilité
et de la continuité d’institutions comme «
l’école ». (Voir à ce sujet l’Afrique
au sud du Sahara; World Bank, 1988, p.15) Mais si l’on considère
cependant l’état actuel, on s’aperçoit
que bon nombre de pays pauvres ne sont plus en mesure de maintenir
ces dispositifs en place, que ce soit au niveau du fonctionnement
ou au niveau pédagogique (Unesco, 1991) et de plus en plus
de parents et d’élèves doutent de l'efficacité
de l’éducation scolaire. Promouvoir l’éducation
n’est pas seulement une investissement très rentable
- encore faut’il qu’elle soit équilibrée
socialement - avec un important « rates of return »;
elle est avant tout une des conditions essentielles pour donner
naissance à une culture de paix. Aujourd’hui, les
migrations mondiales n'entraînent pas seulement un regain
de violence de la part de nombreux autochtones vis à vis
des nouveaux venus, mais aussi une diversité d’actions
très hétérogènes et créatives
qui ont pour devise de « penser globalement, et d'agir localement
». Hans Buhler considère qu’il y a deux secteurs
très importants qui doivent être pris en considération
quant à « l’apprentissage global ».
D’après lui, le mode de connaissance globale exige
un élargissement de formes de pensée qui devraient
être exercées en priorité dans les écoles.
Par exemple, on peut nommer la forme de pensée complémentaire
pensée inclusive par transition à la pensée
exclusive qui domine dans les écoles. Cela signifie que
les individus qui pensent dans la tradition des lumières
et dans celle de l’industrialisation et de l’image
du monde qui leur est liée comprennent le monde en tant
que champ d’action; pour eux, l’action de rationalisation
utilitaire est devenue une valeur individuelle. Le fonctionnement
de cette action est très compliquée, néanmoins
il faut réduire la complexité autant que possible
afin de pouvoir en arriver à l'opération logique
du « ou bien... ou bien », ce qui est utile dans certaines
situations quotidiennes peu complexes parce que cela est rassurant.
Depuis que l’humanité est menacée d’autodestruction
en raison de son comportement écologique insensé
et de son refus d’en assumer les conséquences, nous
savons que le fait de réfléchir, de comprendre et
d’ajourner nos actions est une chose, mais que d'éviter
le mal est préférable que de vouloir le bien est
une autre. Il serait donc nécessaire dans l’apprentissage
global d’attribuer de nouveau plus de valeur à une
forme de pensée qui se retrouverait au niveau de toutes
les cultures, une valeur primaire dans celles qui sont les moins
industrialisées et une valeur secondaire dans celles qui
le sont le plus et que Buhler appelle pensée inclusive.
Les termes « Aussi bien ...que » (et la conjonction
« et ») font partie en tant qu’opération
logique de la pensée inclusive. Celle ci est nécessaire
pour la bonne compréhension d’implications, mais
elle est également valable dans des situations très
complexes ou angoissantes lorsqu’on ne peut ou lorsqu’on
ne veut pas se décider pour une option, mais pour plus
de sécurité disposer de plusieurs solutions. Par
exemple, actuellement plus en plus de personnes malades se font
soigner en même temps au moyen de la médecine traditionnelle
et de la médecine parallèle, option utilisée
assez souvent par les cambodgiens, qui souvent se font soigner
par un guérisseur et en même temps à l’hopital-dans
la mesure où ils en ont les moyens financiers. La pensée
inclusive n’est pas identique avec la « conjonction
» bien connue de la logique formelle classique, car il ne
s’agit pas d’un énoncé statique d’arguments
ou de combinaisons dans un système déterminé,
mais d’un processus de développement de la compréhension
qui en principe et parfois même en pratique ne peut être
achevée. L’incertitude n’est pas réduite
par la pensée inclusive, mais elle devient consciente,
et donc pre-structurée. Cette façon de penser est
courante en Europe de l’Est où, très souvent
l’on emploie l’expression « on va trouver une
solution » et qui est exactement utilisée lorsque
la complexité n’a pas encore été perçue,
d'où l'impossibilité d’assumer consciemment
ses responsabilités, par conséquent attendre est
alors la meilleure alternative. On retrouve également cette
forme de pensée dans le proverbe chinois suivant: «
Si tu es pressé, fais un détour ». Peut-être,
trouvera-t-on dans certaines traditions culturelles traditionnelles
balkaniques, asiatiques ou indiennes la richesse de telles formes
qui seront primordiales pour le développement d’un
concept global. Enfin, l’apprentissage global a besoin d’un
consensus visant les contenus communs qui doivent apparaître
sous différentes formes dans toutes les écoles,
au niveau de tous les médias, partis, et syndicats. Il
est intéressant de constater que dans la plupart des écoles,
il existe un important consensus dont les contenus signifient
« école », par exemple, l’introduction
des outils de la culture: lire, écrire, calculer, dans
les écoles primaires, l’introduction d’une
ou plusieurs langues étrangères, l’introduction
du cours d’histoire nationale*, celui de sciences naturelles,
de mathématiques, mais aussi de cours orientés vers
la géographie et vers l’histoire du monde dans les
écoles secondaires. Ces contenus très répandus
ne doivent être bannis des écoles par l’introduction
de l’apprentissage global. Ils doivent cependant être
complétés par l’apprentissage global afin
de renforcer l’espoir d’une culture commune de paix.
Le pédagogue allemand W. Klafki (1993) a présenté
un concept dans lequel on peut identifier les sept problemes-clef
du monde d’aujourd’hui en tant que caractéristiques
fondamentales de l’éducation internationale »,
qui sont des contenus importants pour l’apprentissage global:
1. Guerre et paix
2. « Sens et problématique du principe de la nationalité
» et particularité de la culture et de l’inter
culturalisme
3. Questions écologiques
4. Croissance de la population mondiale
5. Inégalité de la société a l'intérieur
de celle-ci et entre les différentes sociétés
6. Dangers et possibilités des nouveaux procédés
d’information et de communication
7. Subjectivité de chacun, rapport entre moi et toi. Pour
conclure, il n’est pas raisonnable, ni possible de formuler
un curriculum pour l’apprentissage global valable universellement,
car il ne faut pas que la diversité culturelle soit sacrifiée
à un concept de globalité, même si l’intention
est bonne. D'après Michel Wieviorka, « la globalisation
détruit certains cadres nationaux. On ouvre la voie à
la démultiplication des identités. » (novembre
1995, cours « Sociologie du conflit », EHESS). Ou,
l’on peut aussi se demander si l’apprentissage global
n'accélère-t-il pas à l'échelle mondiale
d’une façon dont on ne peut répondre les tendances
à l'uniformité et par conséquent, contrairement
à la bonne intention de vouloir être une contribution
à une culture de paix - n’est ce pas un pas de plus
vers la destruction de la diversité culturelle et par conséquent
sans doute une menace de plus pour l’humanité entière?Peut
être faut-il entreprendre des actions à différents
niveaux qui peuvent ouvrir l’esprit en faveur de plus de
globalité, en commençant par des forums, allant
des campagnes de presse jusqu’aux programmes de jumelage
régionales entre les écoles du monde entier.
b) L’enseignement de l’histoire: curriculum réel
vs. curriculum truqué: L’éducation, déclarée
comme un droit fondamental de l’homme doit avoir comme but
l’enseignement réel de l’histoire dans les
pays affectés par des conflits, pour une compréhension
nécessaire des sources de ces conflits, enseignement qui
devra incorporer dans son cursus une rénovation systématique
du curriculum pour ainsi présenter une approche ethnique,
raciale réelle, ainsi que les différences raciales
et culturelles soulignant l'égalité entre ces ethnies
et races. Dans ce contexte, il est nécessaire d’analyser
l’organisation et la modification du curriculum, l’évolution
du corps enseignant, de ses conditions d’exercice, éléments
qui ont varié selon les contextes politiques et historiques,
des contextes qui ont connu des projets politiques et éducatifs
différents avec des publics et des conditions d’enseignement
très diversifiées face à des savoirs savants
qui ne sont toujours pas stabilisés.
Dans quelques cas à étudier (français, roumain,
anglais), la science historique et l’enseignement de l’histoire
sont passés de savoirs positifs et du postulat de leur
universalisme à leur remise en cause par la diffusion de
la culture critique liée a une approche scientifique dominée
par le relativisme:L’exemple de l’historiographie:
Si on prend l’exemple français, «l' Ecole des
Annales » crée en 1929 utilise une approche relativiste
dont le but est « former la nation ». La mémoire
et l’histoire font preuve d’une vision successive,
une configuration nouvelle, mais pas forcement stabilisée.
c) Des savoirs positifs aux savoirs incertains: Le statut de savoirs
scolaires a évolué d’un état incontesté
à un état d'incertitude.
En France, en 1964, avec Bourdieu, la sélection scolaire,
la mise en cause des savoirs touche l’enseignement de l’histoire
constituée à partir d’un tissage serré
entre le projet politique qui a motivé son institutionnalisation,
sa création en temps qu’institutionnalisation.
La chronologie utilisée a été celle de la
construction de l’état nation: Son objectif était
de rendre la nouvelle génération membre de cette
collectivité: (Lavisse, Histoire de la Nation Française).
Pour analyser le passage de savoirs scolaires construits de l’histoire
de l’enseignement à la sociologie du curriculum on
va citer E. Durkheim, qui dans son ouvrage « L’éducation
morale » parle de programmes et idéaux pédagogiques
des faits sociaux datés: l’existence est étroitement
liée aux évolutions sociales. En 1977, André
CHERVEL parle d’une homogénéité culturelle,
de la relative autonomie d’une discipline scolaire par rapport
aux savoirs savants: disciplines scolaires, finalités assignées;
conception et contennus.Comment ça se distille dans l’enseignement?
D’après lui, « Il faut poser devant les futurs
professeurs le problème de la culture secondaire dans sa
totalité ». La sociologie critique développée
en France dans les années ‘60 et ‘70 développe
l’idée que les contenus des enseignements des moyens
ont été trouvés par la bourgeoisie pour inculquer
à une classe d’âge la culture dominante (Bourdieu
1966) et pour assurer le maintien des inégalités
sociales. Dans la même période, en Grande Bretagne,
une nouvelle sociologie de l’éducation sera développée:
le curriculum à partir d’une définition qui
privilégie l’idée de programmation, d’organisation
méthodique et d’objectifs définies par opposition
au curriculum prescrit; identifie un curriculum caché,
en rapport lointain avec le premier. (Forquin: Ecole et Culture-Le
point de vue des sociologues britanniques).d) Les mutations du
savoir dans une société critique: (voire sociétés
type soviétiques) Suivant l’approche relativiste
française de « former la nation », on va analyser
l’exemple roumain , où pendant la même période
de l’Ecole des Annales en France, Nicolae Iorga, le père
de l'historiographie roumaine avait aussi comme centre idéologique
le mythe de la nation. Les idées qui marquent son ouvrage,
on pourrait même dire qui l'obsèdent, sont liées
à sa recherche continue de placer les roumains dans l'histoire
universelle, par rapport à ces circonstances, qu'il a dénommées
par une exagération voulue "les permanences de l'histoire".
Nicolae Iorga a considéré comme obligatoire l'étude
du cadre universel de l'histoire nationale. L'idée de la
latinité des roumains, ainsi que l'époque byzantine,
ont été pour Iui, durant toute sa vie, la meilleure
voie et la plus profonde pour la compréhension du sens
de l'histoire et de la nation roumaine. Pour faire sentir la latinité
du peuple roumain, Iorga a écrit parmi d'autres ouvrages,
une histoire importante sur "l'idée Romaine de Frontières".
C'est un chapitre d'histoire de la pensée qui ouvre une
enquête sur le nom de la Roumanie dans ses rapports avec
l'idée des frontières romaines. L'élément
central pour décrire "la Roumanie dans l'Europe Moyenne"
c'est le Danube d'Auguste, une base de commandement dans la romanisation
du monde, qui devient pour Iorga un "Danube d'Empire"
et non pas une frontière. En tant qu'historien de Byzance,
c'est cet empire qui a été pour Iorga la meilleure
voie et la plus profonde pour la compréhension de la nation
roumaine et de son sens historique. Son mythe de la nation est
exprimé dans son oeuvre avec une plasticité exceptionnelle:
la civilisation humaine, d'après lui, est l'Occident et
l'Orient, dont Byzance, a réussi à son avis, la
synthèse. La nation roumaine a comme base profonde l'esprit
byzantin. "L'Occident, dit-il, se caractérise par
la possibilité du mouvement spontané de la production
toujours nouvelle de la vie des nations. L'Orient représente
"quelque chose de non défini et grandiose, en dominant
la vie individuelle et même la vie totale d'une nation."
Le Byzance de Iorga demeure comme un effort permanent de maintien
sur la route de milieu entre cet Occident et cet Orient. Il est
passionné par l'idée que la nation roumaine est
le produit et la synthèse de cette époque.
Après la mort de Iorga, en 1939, ses disciples parmi lesquels
Dobrogeanu Gherea, Eugen Lovinescu et Constantin Giurescu continueront
à réécrire l’histoire sous l’influence
magique de Iorga.
Quelques années plus tard, en 1948, dans le cadre du premier
congrès du Parti Communiste Roumain, on déclare
« que le Parti Communiste, groupant dans son sein les membres
les plus avancés de la société - se fonde
sur la doctrine marxiste-léniniste, sur une haute conscience
de la responsabilité historique qui lui vient, dans la
transformation révolutionnaire de la société,
dans la suppression de l'exploitation de l'homme par l'homme et
dans la construction du communisme en Roumanie ». C'est
dans ces lignes que l'histoire politisée sera présentée
dans les manuels scolaires, en commençant avec les années
1950. L'orientation générale de l'histoire est fixée
par le développement des forces productives, par les applications
scientifiques aux domaines des industries. Le nouveau temps historique
roumain est un temps étouffé par des non-valeurs,
qui radicalisent la période moderne roumaine dans la forme
d'une "lutte continue pour le communisme". Même
du point de vue linguistique, on change le terme "Temps",
auxquels on se référait au pluriel-"timpuri"
par le nouveau temps historique qui devient singulier "timpul"
et le langage des manuels scolaires est de plus en plus penché
vers la "scientificité du langage". La «
nouvelle histoire » politisée des dernières
cinq décennies réussira à confondre un certain
nombre de consciences nationales. On remarque néanmoins
un phénomène très intéressant, que
je définirai comme « Un réfrigérateur
de traditions ». C'est dans ce cadre que les familles intellectuelles
roumaines se donneront la peine d'élever leurs enfants
dans l'ombre du passé pré communiste. On va se pencher
plutôt sur la lecture des ouvrages historiques traditionnels.
On parlera beaucoup de la période de l'entre-deux-guerres
comme d'une époque dorée de la Roumanie. La conscience
nationale ne va pas emprunter le modèle de la conscience
communiste. Dans ce « réfrigérateur de traditions
», Iorga sera lu comme la source de vérité
historique. Cette « dissidence historique » sera maintenue
aussi par certains professeurs de lycées spécialisés
de philologie histoire. Le langage des manuels scolaires est profondément
vulgaire; les termes « époque fleurissante et développement
continu » dominent les pages. Comme la situation politique
et économique va se détériorer de plus en
plus, le manque de concordance entre la vie quotidienne et sa
représentation dans l'éducation obligatoire aboutit
par créer un univers chaotique pour les élèves.
Entre la vision nationale de la latinité des roumains et
l’histoire politisée des derniers décennies,
la place occupée pour traiter de l’histoire des autres
ethnies vivant en Roumanie, notamment les hongrois, qui constituent
aujourd’hui plus de 10% de la population du pays- demeure
très limitée et inexacte. La façon de présenter
le "phénomène" hongrois dans les manuels
d’histoire nationale a été la refléction
d’une population "de provenance barbare, qui s’est
infiltrée sur le territoire roumain, pour ainsi diminuer
la force de sa latinité". Plus que ça, le problème
territorial "roumain" a été présenté
aux élèves d’une façon très
dénaturée, comme si la population hongroise de la
Transylvanie, avait invadé les territoires roumains. En
effet, la Roumanie avait récupérée une grande
partie de la Transylvanie hongroise, après les Traités
de Versailles (la Roumanie faisant partie de "La Petite Entente").
Toutes ses detournoures de l’histoires confondent et entretiennent
le nationalisme exacerbé roumain et on l’a vu lors
de la crise du pays voisin ex-yougoslave jusque-là les
conflits ethniques peuvent'ils emmener une nation... Une révision
systématique et une rénovation de l’enseignement
de l’histoire pour ainsi mettre l’accent sur le rôle
des ethnies laisseront à l’enseignant le reste du
poids de cette « culture critique », une des causes
de difficultés qui éprouvent les enseignants d’histoire
dans ce type de sociétés. Comment est ce' qu'on
pourra arriver à influencer les structures éducationnels
dans ces pays sans faire appel aux menaces de non intégration
régionale (la dernière des méthodes de négociation)
sera un autre thème de débat dans ce projet de recherche.
III. APPROCHE METHODOLOGIQUE: En raison du caractère récent
du programme de "Culture de Paix" de l' Unesco, il existe
encore peu de recherches, en dehors de celles effectués
dans les programmes régionaux mentionnés. En revanche,
de nombreux travaux sociologiques sur le conflit sont disponibles.
J'espère aussi pouvoir participer fréquemment au
cours de Michel Wieviorka, sur "La Sociologie du Conflit",
ainsi que continuer la recherche avec l' Université de
Sociologie de Madrid. Pour ce qui concerne le thème de
l' éducation, je compte analyser en profondeur le problème
ethnique roumain, les étapes de changement du curriculum
d' histoire nationale, ainsi que la consultation des Archives
de Bucarest; je compte aussi effectuer des interviews avec les
intervenants concernés. J’essayerais élargir
ce thème de réflexion aux autres sociétés
"critiques", en faisant de la recherche, lors de mes
missions de consultance avec l’Unesco. Le thème de
la communication et de l’information sera abordé
dans la logique présentée dans mon projet d’études.
J’espère continuer avoir les conseils précieux
de M. Dominique Wolton et de M. Marc Ferro, pour ce qui concerne
la partie cinéma. Aussi, je compte effectuer un documentaire,
en interviewant les divers intervenants concernés. (J’ai
bien compris que ce ne serra pas accepté comme faisant
partie du travail de thèse à l' EHESS et c'est pourquoi
j’essaierais travailler cette partie auprès de l'
Université Paris VIII). A partir de l’ensemble de
ces publications et interviews, je souhaite analyser les facteurs
sociologiques qui ont mené (où qui risquent de mener
aux conflits), ainsi que les différentes positions prises
par les secteurs respectifs des sociétés civiles
à analyser.
Je vous remercie respectueusement d’avoir étudié
ce projet de recherche
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de Sociolgia, Madrid), Paul Lewis (NY Times auprès de l’ONU),
Fred Ekhard (Porte Parole du SG. ONU), Bernard Estrade (AFP),
Lesley Atherley (Directeur Programme « Culture de la Paix
»-UNESCO), Daniel Janicot (DDG, UNESCO), Kofi Annan, Sous-Sécretaire
Géneral pour les missions de maintien de la paix (auprès
de l' ONU), Jacques DELORS, President de la Commission «
L’Education pour le 21eme siecle aupres de l’UNESCO
» M. Michael SHEEHAN, Directeur des Programmes Internationales
a la Maison Blanche, National Security Council, Alexandra BANIC,
Senateur Americain, Millicent WHITE, Directeur
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