Discours de Monsieur Philippe ETIENNE Ambassadeur
de France en Roumanie, pour la cérémonie d’ouverture
du colloque Bucarest « Quelle Roumanie dans quelle Europe ?
L’Europe vue par les jeunes Roumains », organisé
par la Fondation Robert Schuman et la Fondation Ithaka au Palais du
Parlement, Vendredi 12 mars – Samedi 13 mars
Monsieur le Président,
Monsieur le Premier Ministre,
Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Recteur,
Mesdames et Messieurs, Chers amis
« Quelle Roumanie dans quelle Europe ? »
C’est bien sûr à vous, chers amis Roumains, qu’il
appartient d’abord de répondre à cette question,
avec le regard et l’identité qui sont les vôtres,
et dont s’enrichit déjà la grande famille européenne
que bientôt vous rejoindrez pleinement. Les débats d’aujourd’hui
et de demain vous le permettront, et je tiens à saluer tout particulièrement
la Fondation Robert Schuman, et son Président M. Jean-Dominique
GIULIANI, ainsi que la Fondation Ithaka et sa Présidente Mme
Ramona CALIN.
Mais la France se doit aussi d’y réfléchir, elle
qui depuis le début a souhaité accompagner et soutenir
la démarche européenne de sa sœur latine, la Roumanie.
Mes compatriotes ici présents le feront avec enthousiasme et
sérieux durant ces deux journées. Car l’avenir de
l’Europe dépend de la participation active de tous ses
citoyens, présents et futurs, sans distinction aucune. La Convention
qui a remis il y a quelques mois un remarquable projet de Constitution
nous a montré la voie.
Il est une catégorie de citoyens à laquelle on pense
de manière naturelle et spontanée lorsque l’on regarde
vers l’avenir. Ce sont bien sûr les jeunes. Dans une Europe
élargie à 27 membres, les jeunes âgés de
15 à 25 ans ne sont pas moins de 75 millions, et représentent
entre 11 % et 19 % de la population nationale selon les pays, 16 % en
Roumanie.
Qu’attendent-ils de l’Europe, les jeunes de Roumanie ?
Les rêves n’ont pas de frontière, et si l’on
en croit les euro-sondages, ce sont les mêmes espoirs en termes
de prospérité, de croissance économique et d’emploi,
la même aspiration pour les échanges culturels et la libre
circulation qu’ils partagent avec la jeunesse européenne.
Il s’agit de ne pas décevoir cet élan. Parce que
nous en avons besoin. A l’heure où notre continent se doit
de relever certains défis démographiques dont celui du
vieillissement de sa population, il est plus que jamais nécessaire
de redire combien les jeunes sont le ferment de la citoyenneté
européenne en construction.
L’Europe en a conscience, bien sûr. Nos Ministres débattent
de la mobilité, de l’éducation, de la formation
continue, de l’emploi, de l’intégration sociale…
Les institutions européennes encouragent la participation des
jeunes à la vie citoyenne active et à la société
civile, au delà même, parfois, des frontières nationales,
grâce aux programmes communautaires Socrates, Leonardo et Jeunesse,
auxquels la Roumanie participe depuis 1997. En l’an 2000, 390
étudiants roumains ont séjourné en France pour
une durée supérieure à 6 mois. Ils étaient
2500 en 2003, à bénéficier des programmes européens
Socrate-Erasmus, et des programmes de bourse du gouvernement français
dans tous les domaines de formation. Et nous pensons que leur nombre
total approche même 5000, y compris dans nos meilleures universités.
Pourtant, malgré ces réalisations spectaculaires, malgré
le droit de libre circulation, l’Europe parle encore mal aux jeunes
en France et peut-être même en Roumanie. Pour la jeunesse
roumaine, l’Europe ne se résume-t-elle pas à la
tentation d’aller chercher vers l’Ouest et les pays membres
de l’Union Européenne, ce qui ne s’offre pas assez
vite à ses yeux dans son propre pays ?
Permettez moi pourtant de dire une chose aux étudiants qui
sont venus de Timisoara, Iasi, Cluj pour se mêler aujourd’hui
à ceux de Bucarest. Vous et l’ensemble de votre classe
d’âge, vous êtes la chance de la Roumanie et de l’Europe
de demain. Mais votre jeunesse est également une chance aujourd’hui,
ici, en Roumanie, dans un pays qui construit jour après jour
son appartenance à l’Europe. Un pays où doivent
s’accomplir des travaux dont vous serez en partie les acteurs.
Je ne citerai que l’exemple de la fonction publique, où
de grandes responsabilités vous attendent, où la formation
que vous aurez pu suivre, à l’étranger notamment,
sera mise au service de la réforme, dans votre propre pays.
Mais pour que les jeunes Roumains puissent construire leur avenir
ici, dans leur pays, encore faut-il que la société, le
monde politique soient prêts à leur en donner la possibilité.
Je connais l’attachement des autorités roumaines, de toutes
les forces vives de la nation, à faire une place aux jeunes,
dans les postes de responsabilité. Je souhaite à la Roumanie
qu’elle aille suffisamment vite dans l’application des réformes
qui inciteront les jeunes à suivre cet appel. Ces réformes
ne sont pas une exigence plaquée de l’extérieur.
Elles sont la condition de la modernisation de la société.
La lutte contre la corruption par exemple, au delà de l’exigence
morale et de la rationalité économique, n’est-elle
pas d’abord une réorganisation des rapports sociaux de
nature à libérer les initiatives, aujourd’hui trop
souvent découragées ? Tel est d’ailleurs le
sens profond de l’adhésion à l’Union Européenne,
bien plus que de fermer des chapitres de négociation ou de devenir
membre d’une organisation internationale.
Le Général de GAULLE disait : « nous ne ferons
pas l’Europe si les peuples n’y sont pas ». Je
dirais aujourd’hui que « nous ne ferons pas l’Europe
si les jeunes n’y sont pas ». Le peuple roumain, avec
son histoire tourmentée, la jeunesse roumaine, avec son magnifique
potentiel de création et d’enthousiasme, sont nécessaires
à l’Europe. A la Roumanie de nous faire entendre sa voix,
avec les doutes et les espoirs qui sont les siens. Puisse cette rencontre
vous en donner l’occasion.
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